Le délai d'instruction du permis de construire est-il interrompu si l'administration sollicite des pièces complémentaires inutiles et/ou illégales ?
Par un arrêt du 4 février 2025, le Conseil d'Etat indique qu'une demande de pièce complémentaire, même si celle-ci est inutile au regard de l'instruction du dossier, fait obstacle à la naissance d'un permis de construire tacite (CE, 4 février 2025, n° 494180)
URBANISME
Killian Bocquillon
2/8/2025
Le code de l'urbanisme prévoit une liste limitative de pièces complémentaires qui peuvent être sollicitées par l'administration dans le cadre de l'instruction d'un permis de construire (C. urb. art. R. 423-38). Cette règle évite un report abusif du délai d'instruction, dès lors que la demande de pièces complémentaires a en effet pour conséquence d'interrompre le délai d'instruction du permis (C. urb. art. R. 423-39).
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a considéré qu'une demande de pièce non prévue par le code de l'urbanisme est de nature à entacher d'illégalité la décision de rejet de la demande de permis, sans qu'elle ait pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision implicite favorable (CE, 9 décembre 2015, Cne d'Asnières-sur-Nouère, n° 390273 ; CE, 8 avril 2015, Mme V..., n° 365804).
Puis, le Conseil d'Etat a considéré qu'une demande de pièce illégale n'entache pas, par elle-même d'illégalité la décision de refus de permis, mais qu'elle était sanctionnée par l'absence d'interruption du délai d'instruction de la demande, ce qui facilite la naissance d'un permis tacite à son expiration (CE, 9 décembre 2022, Cne de Saint-Herblain, n° 454521).
Dans cette affaire, la Commune avait sollicité deux pièces complémentaires : la première est la copie d'une lettre du préfet, par laquelle il fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet. La seconde est la superficie exacte de la parcelle située en zone UD du Plan Local d'Urbanisme. Seule la première de ces pièces figure parmi celles qui peuvent légalement être demandées au titre du code de l'urbanisme.
En outre, comme le relève le rapporteur public, la lettre du préfet n'était même pas utile à l'instruction de la demande, dès lors que la délivrance du permis de construire ne nécessitait pas d'autorisation de défrichement.
Le Conseil d'Etat considère néanmoins que la demande de pièces complémentaires avait eu pour effet de faire obstacle à la naissance d'un permis de construire tacite, même si la première des pièces demandées n'était pas prévue au titre du code de l'urbanisme, et que la deuxième n'était pas utile au regard de l'instruction du dossier de permis de construire (CE, 4 février 2025, Cne de Contes, n° 494180).
Cette jurisprudence s'explique par une volonté d'éviter toute appréciation casuistique et de devoir déterminer au cas par cas si une pièce complémentaire est utile au regard de l'instruction du dossier de permis de construire.
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