La procédure d’expulsion d’un locataire d’un local d’habitation en 13 étapes (hors clause résolutoire)

L’expulsion d’un locataire d’un logement obéit à une procédure stricte et encadrée en plusieurs étapes clés. Ce premier memorandum correspond à l'hypothèse fréquente de la résiliation judiciaire du bail, hors commandement de payer.

HABITATION

Killian BOCQUILLON

7/3/20257 min read

a black and white photo of a building
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1ère étape : La saisine de CCAPEX deux mois avant la saisine du Tribunal

Les bailleurs personnes morales autres qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer une assignation aux fins de résiliation judiciaire motivée en tout ou partie par une dette locative, sous peine d’irrecevabilité de la demande, qu’après avoir saisi la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions Locatives (CCAPEX) et respecté un délai de deux mois suivant cette saisine (L. n° 89-462, 6 juillet 1989, article 24).

2ème étape : l’assignation de l’occupant devant le Juge des Contentieux de la Protection

Sauf exception l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire.

Ce titre peut consister en :

- un procès-verbal de conciliation exécutoire ;

- une décision de justice (CPEX, art. L. 411-1).

Il faut donc généralement assigner le locataire devant le Juge des Contentieux de la Protection du lieu de situation de l’immeuble aux fins d’obtenir, soit le prononcé de la résiliation du bail pour non-respect par le locataire de ses obligations légales et contractuelles en matière d’habitation, soit le constat de l’acquisition de la clause résolutoire, prévue au bail (COJ, art. L. 213-4-3).

Cette procédure ne nécessite pas formellement l’assistance d’un avocat dès lors que la représentation est facultative devant le Juge des Contentieux de la Protection. Elle est néanmoins indispensable en pratique.

3ème étape : la notification de l’assignation au Préfet au moins six semaines avant l’audience

Dans la même hypothèse où la procédure est causée par un impayé de loyers et de charges, cette assignation doit également être notifiée à la diligence du Commissaire de Justice au représentant de l’Etat dans le département, à peine d’irrecevabilité, au moins six semaines avant l’audience (L. n° 89-462, 6 juillet 1989, article 24).

Cette saisine va permettre au Préfet d’alerter les services sociaux compétents pour mettre au point les aides susceptibles d’être apportées au locataire. Cette information du Préfet va permettre de déclencher une enquête sociale, au cours de laquelle le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations. Celles-ci seront transmises au juge avant l’audieence, ainsi qu’à la CCAPEX.

4ème étape : la signification de la décision de justice prononçant l’expulsion

Une fois la décision obtenue, il convient de notifier à l’occupant sans droit ni titre la décision de justice prononçant l’expulsion indiquant les modalités de saisine et l’adresse de la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation.

Les jugements doivent être signifiés aux parties elles-mêmes et lorsque la décision concerne plusieurs personnes, la signification doit être faite séparément à chacune d'elles, même si la décision qui leur est signifiée les condamne solidairement et si elles habitent à la même adresse (2ème civ., 15 janvier 2009, n° 07-20.472).

En revanche, le bailleur qui a obtenu une décision ordonnant l' expulsion du locataire peut, en vertu de ce seul titre, poursuivre l'expulsion des occupants qui ne tiennent leur droit d'occupation que de celui-ci (2ème civ., 4 décembre 2003, n° 02-10.387).

5ème étape : l’obtention d’un certificat de non-appel auprès du greffe

Une décision d'expulsion étant toujours prononcée en premier ressort et, par conséquent, à charge d'appel, les jugements rendus par les juges du fond ne pourront être exécutés que si l'exécution provisoire, de droit, n’a pas été supprimée ou si les jugements sont définitifs.

Le commissaire de justice chargé de l'exécution devra, dans l’hypothèse de la suppression de l’exécution provisoire, être muni d'un certificat de non-appel (sollicité auprès du greffe de la cour d'appel compétente), après avoir préalablement signifié le jugement et laissé courir le délai d'appel (un mois).

6ème étape : la signification préalable d’un commandement de quitter les lieux

Une fois la décision signifiée, un commissaire de justice doit également signifier à l’occupant un commandement de quitter les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois à compter de ce commandement (CPEX, art. L. 412-1).

7ème étape : la notification du commandement de quitter les lieux au Préfet

Le commissaire de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion saisit le Préfet afin que celui-ci en informe la CCAPEX visant à la mise en œuvre du droit au logement, et qu’il informe le ménage de la possibilité de saisir la commission de médiation en vue d’une demande de relogement au titre du droit au logement opposable. A défaut de saisine du Préfet, le délai de deux mois avant l’expiration duquel l’expulsion ne peut avoir lieu est suspendu (CPEX, art. L. 412-5).

A moins que les occupants soient de mauvaise foi, l’expulsion ne peut avoir lieu entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année (CPEX, art. L. 412-6).

8ème étape : le constat préalable de l’occupation des lieux

Si l’occupant se maintient dans les lieux, le commissaire de justice doit dresser un procès-verbal de difficulté (CPEX, art. R. 153-1) qui consistera à relever, par tout moyen le maintien de l’occupation, constitutive d’un trouble à l’ordre public.

9ème étape : la réquisition de la force publique

L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des titres exécutoires (CPEX, art. L. 153-1). Toutefois, paradoxalement, le Préfet peut refuser d’accorder le concours de la force publique pour des motifs d’ordre public. Par exemple, le Préfet de police peut refuser le concours de la force publique en se fondant sur la situation de la personne dont l’expulsion était demandée, laquelle était âgée de 83 ans, résidait dans les lieux depuis 35 ans, y vivait avec sa fille, et que ses ressources étaient faibles sans solution de relogement (CE, 10 octobre 2003, n° 260867).

La circulaire du 9 février 1999 relative à la prévention des expulsions locatives pour impayés mentionne ainsi qu’il « appartient [au Préfet] d'être vigilant quant aux troubles à l'ordre public que peuvent faire naître des situations sociales mal traitées et donc d'être attentif aux situations difficiles ».

Toutefois, en cas de refus du Préfet d’accorder le concours de la force publique, la responsabilité de l’Etat est engagée et celui-ci devra réparer le préjudice du propriétaire (CPEX, art. L. 153-1). Le propriétaire devra dans un premier temps exercer un recours gracieux auprès de l’administration, suivi le cas échéant d’un recours contentieux devant le tribunal administratif.

10ème étape : l'arrêté octroyant le concours de la force publique

Si le Préfet accorde le concours de la force publique, cette décision prendra la forme d’un arrêté qui devra être notifiée à l’occupant, lequel pourra éventuellement contester cette décision devant le Tribunal administratif dans le cadre d’un référé-liberté (CJA, art. L. 521-2).

11ème étape : les opérations matérielles d’expulsion

Les opérations d’expulsion auront lieu en présence de la force publique et d’un commissaire de justice qui dressera un procès-verbal d’expulsion décrivant les opérations et l’identité dont le concours a été nécessaire : transport du commissaire de justice - présence de l’autorité de police ou de gendarmerie, du serrurier et, le cas échéant, de l’entreprise de déménagement - heures de début et de fin des opérations sur place – éventuels incidents, ouverture des lieux, demande relative à l'existence de biens saisis antérieurement, lieu où devront être entreposés les biens, fermeture des lieux, mention visant à défendre toute réintégration…

Ce procès-verbal est signifié ou remis à la personne expulsée qui dispose d’un délai d’un mois pour le contester.

Les conditions dans lesquelles l’expulsion s’est déroulée sont susceptibles d’être à nouveau contestées devant le Juge de l’Exécution. Ainsi, en cas d’irrégularité, le propriétaire peut être condamné à permettre la réintégration sous astreinte des occupants dans le logement (CA Grenoble, 7 mars 2000, n° RG 99/00442).

12ème étape : le sort des meubles et effets personnels de l’expulsé

Lorsque l'occupant est expulsé, ses meubles sont transportés à ses frais dans le lieu de son choix. À défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié, et décrits par l’huissier de justice.

La personne expulsée dispose d’un délai de deux mois pour reprendre ses biens, à compter de la remise ou de la signification du procès-verbal d’expulsion.

À l’expiration du délai :

- Les biens ayant une valeur marchande sont vendus aux enchères publiques ;

- Les biens sans valeur marchande sont réputés abandonnés, sauf les papiers et documents personnels qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l’huissier de justice avant d’être détruits.

Le produit net de la vente après déduction des frais et de la créance du bailleur est remis à la personne expulsée.

13ème étape (bonus) : les délais susceptibles d’être demandés par l’occupant

Y compris après la décision d’expulsion, le juge de l’exécution peut être saisi par l’occupant et accorder des délais renouvelables, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales (CPEX, art. L. 412-3).

La durée de ces délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est notamment tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement (CPEX, art. L. 412-4).

La procédure d’expulsion d’un locataire d’un local d’habitation est donc strictement encadrée par la loi et s’échelonne en de nombreuses étapes destinées à garantir les droits du locataire comme ceux du bailleur. De la saisine préalable de la CCAPEX à l’évacuation effective des lieux avec le concours de la force publique, chaque phase doit être rigoureusement respectée sous peine d’irrégularité.

La complexité de cette procédure, conjuguée aux délais et aux risques de contestation, souligne l’importance d’un accompagnement juridique adapté pour assurer son bon déroulement : prenez rendez-vous.